Information Eaux

page 2 L’Union Européenne produit environ 10 millions de tonnes de Matières Sèches de boues (MS) à travers l’épuration collective des eaux usées domestiques. Le plus gros pro- ducteur est l’Allemagne, avec environ 2,7 millions de tonnes de MS (34 kg MS/hab./an), contre respectivement 900.000 tonnes de MS (15kg MS/hab./an) et 700.000 tonnes de MS (16 kg MS/hab./an) pour la France et l’Espagne. Les disparités entre pays peuvent s’expliquer par les différences entre taux de raccordement au réseau collectif (la France compte par exemple entre 20 % et 30 % de raccordements individuels) et par le taux d’épu- ration. Historiquement, l’Allemagne à un fort taux de rac- cordement au réseau collectif ce qui explique les chiffres élevés. Après avoir été traitées, les boues sont valorisées ou élimi- nées via trois filières principales : épandage agricole (boues traitées et filière compost), qui représente en France 73 % des volumes produits (dont 28 % de com- post), incinération (18 %), admission dans les installations de stockage de déchets ménagers et assimilés (9 %). Citons également la filière dite de revégétalisation, qui permet de réhabiliter des sols endommagés (pistes de ski, friches industrielles, aménagements routiers, lutte contre la désertification), commune dans des pays comme la Suède et la Finlande (respectivement 20 % et 30 % des boues en t/MS/an écoulées). Le but de l’épandage des boues en agriculture est de conjuguer à la fois leur intérêt agronomique (apport d’azote et de phosphore) et les capacités épuratrices des sols. Chaulées, les boues sont également utilisées pour rehausser le pH des sols acides. Un double statut Pour limiter les risques sanitaires (contamination) et envi- ronnementaux (pollution des sols, de l’eau), l’utilisation des boues fait l’objet d’un encadrement règlementaire qui s’articule autour de deux notions : celle de déchet et celle de produit. Le cadre légal européen est défini par la Directive-Cadre sur les Déchets (91/156/CEE). Concernant l’utilisation des boues en agriculture, c’est la Directive du 12 juin 1986 (86/278/CEE) qui fixe des valeurs limites en ETM (Elé- ments Traces Métalliques : cadmium, cuivre, mercure, …). En France, le cadre général est fixé par la Loi sur l’Eau du 3 janvier 1992, qui vise notamment à protéger la ressource en eau. Le statut juridique de déchet (défini dans la Loi du 15 juillet 1975) conféré aux boues est précisé dans le dé- cret 97-1133 du 8 décembre 1997. L’épandage agricole ne peut être mis en place que s’il présente un intérêt agronomique (circulaire du 28 avril 1998) et selon des prescriptions fixées par l’arrêté du 8 janvier 1998. La logique produit, plus difficile à mettre en œuvre, offre une seconde voie réglementaire pour le recyclage. Un produit doit respecter des critères particuliers d’efficacité et d’innocuité. En France, les boues de STEP peuvent devenir des pro- duits dans trois cas : lorsqu’elles sont homologuées en tant que matière fertilisante ou qu’elles bénéficient d’une autorisation provisoire de vente, statuts délivrés, sur dos- sier, par le Ministère de l’Agriculture pour une période donnée, ou sont conformes à une norme. La norme NFU 44-095 relative aux composts contenant des matières d’in- térêt agronomique issues du traitement des eaux usées permet de définir un débouché aux boues en tant que produit normé. En France, il y a très peu de recours à ces dispositifs, hors filière compost. En revanche certains pays, comme le Royaume-Uni, les utilisent pour responsabiliser les dif­ férents acteurs de la filière. En effet, dans la logique ”produit”, aucun acteur ne peut s’extraire de sa responsa- bilité : le consommateur peut se retourner contre l’agricul- teur, qui peut se retourner contre le producteur de boues. Des outils d’incitation pour orienter les filières Les Etats utilisent divers outils pour orienter leurs filières de valorisation. Ainsi, certains pays prennent des mesures fiscales : au Danemark et en Suède, les autres formes d’élimination des boues ont été taxées afin d’orienter les acteurs vers la valorisation agricole. D’autres pays utilisent l’outil règlementaire : aux Pays-Bas, les valeurs limites acceptées en éléments polluants conte- nus dans les boues aptes à l’épandage ont été considéra- blement relevées, sans accompagner les acteurs, qui se sont alors tournés vers d’autres filières : le compostage (24 % des boues produites), qui permet de produire un produit normé, hygiénique et exportable, l’incinération (24 %) et la mise en décharge (48 %). En revanche, il est intéressant de noter que le Danemark a tenté de concilier à la fois normes sanitaires ambitieuses et un taux d’épandage élevé (autour de 70 %) : une forte intégration du contrôle sur toute la filière d’assainissement pour l’obtention d’un produit sûr, a donné confiance aux acteurs de la filière. L’augmentation de la demande de qualité a néanmoins entraîné une légère réduction de l’uti- lisation des boues d’épuration comme engrais organique sur les terres agricoles, au profit de l’incinération. Ces extraits proviennent d’une synthèse de Sylvain LAURENT, étudiant d’AgroParisTech Montpellier : ” Analyse des politiques publiques françaises de valorisation agricole des boues des stations d’épuration collectives en vue d’une adaptation au Maroc ”. Le texte intégral peut être commandé à l’adresse : eaudoc@oieau.fr . La liste complète des Synthèses disponibles est consultable sur le site : www.oieau.fr/eaudoc/publications/ syntheses-techniques O f f i c e International d e l ' E a u La synthèse de l’OIEau ❰❰❰❰❰❰❰❰❰❰❰❰❰❰❰❰❰❰ N° 629 LA PLACE DE LA VALORISATION AGRICOLE DANS LE DEVENIR DES BOUES DES STATIONS D’ÉPURATION EN FRANCE ET DANS QUELQUES PAYS EUROPÉENS

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